dimanche 30 janvier 2022

Entrevue avec Nathalie Dion


 crédit : Nathalie Dion

Biographie

Elle vit et travaille à Montréal où elle a étudié en Design Arts à l'université Concordia et est représentée par l'agence Anna Goodson Illustration. Elle oeuvre tant dans le domaine de l'illustration jeunesse qu'éditoriale. Elle aime passer du lent dévouement qu'implique l'illustration d'un album jeunesse à la rapidité d'une illustration "style de vie" ou conceptuelle pour un magazine.

Parce qu'ils ils me permettent de recommencer mille fois sans gaspiller des tonnes de papier, les pinceaux et la tablette numérique sont ses outils de création favoris. 

Dans ses temps libres, elle peint des petites gouaches.

Crédit : Nathalie Dion Nathalie Dion bio —

Questions

Qu’est-ce qui vous passionne autant à propos du dessin?

Je crois que c’est le fait que le dessin donne un résultat instantané qui me séduit. Je n’aime pas quand il y a trop d’étapes entre l’idée et le résultat. Ça m’angoisse.

Avez-vous des bandes dessinées favorites?

Je suis pas très calée en b.d, je suis plus portée vers les romans graphiques. Bien sûr tous les Paul de Michel Rabagliati, la série Persepolis de Marjane Satrapi, plus récemment, Rien de sérieux de Valérie Boivin et La grosse laide de Marie-Noëlle Hébert.

 Lesquelles conseilleriez-vous à une personne qui vient de découvrir le genre?

Je lui dirais de commencer avec Rien de sérieux ! C’est super drôle, léger, actuel et captivant.

Quelles sont vos sources d’inspiration? 


J’en ai beaucoup, beaucoup et avec Instagram, ça ne fait qu’augmenter! Je vais donc y aller de mes premiers amours; Jean-Philippe Delhomme, Maïra Kalman et Isabelle Arsenault.

 

Quels conseils donneriez-vous à une personne qui souhaiterait devenir illustratrice?

C’est un métier qu’on exerce par passion. Si c’est ça la motivation, j’encourage! Mais à moins de ça, faut pas y aller parce que bien que c’est un métier merveilleux , il qui vient avec un gros lot d’insécurité et de stress.

Avez-vous rencontré des défis lorsque vous avez dessiné Les baleines et nous et combien de temps cela vous a-t-il pris pour arriver jusqu’au résultat final?

Oui, à vrai dire, j’étais loin d’être ferrée en matière de baleines et j’ai dû passer beaucoup de temps à me documenter sur le sujet. Ça été très instructif et j’ai eu beaucoup de plaisir à jouer l’experte en illustrant un livre sur le sujet. Pour faire Les baleines et nous , ça m’a pris environ 5 mois.

Quels sont vos prochains projets?

Deux albums-jeunesse; Kumo, un texte de Kyo Maclear chez Tundra Books et I Caught a Rainbow /J’ai attrapé un arc-en-ciel de Danielle Chaperon chez Milky Way/Comme des géants qui paraîtront à l’automne prochain.

Ma chronique de Les baleines et nous 

Les Red Velvet – Sous couverture de Sylvie G.

 


Publié chez Andara le 2 novembre 2021

477 pages

4e de couverture

Durant les dernières années, Kelly s’est concentrée sur sa vie et a évité de s’immiscer dans les enquêtes menées par sa mère et par son amoureux. Cependant, lorsqu’elle apprend qu’une ancienne camarade d’université pourrait être la proie des Red Velvet, un groupe de motards hors-la-loi qu’infiltre Derek, elle se sent interpellée.

Désormais employée de la Sûreté du Québec, la doctorante en psychologie, spécialisée dans les affaires criminelles, est mieux outillée qu’avant pour mener son enquête, qui se déroulera dans un bar érotique de la région.

Mon avis

C’est toujours un plaisir de retrouver Kelly qui a maintenant 24 ans. Si vos adolescentes ont lu les romans précédents, je vous annonce que le contenu de celui-ci est plus mature. Il fait partie d’une collection 18 ans et plus et je le recommanderais à partir de 16 ans. Pas parce qu’il contient beaucoup de scènes érotiques, mais les lieux où se déroulent l’enquête, les gangs de motards, le trafic humains sont des thèmes qui ne pourraient pas convenir à des enfants. Je suggère de lire l’Appât pour bien connaître les personnages et comprendre les blagues. Toutefois, vous pouvez comprendre l'histoire sans avoir lu la série jeunesse.

Le roman est plus étoffé que les autres, mais j’ai trouvé peu de temps mort. Kelly a le don de se jeter dans l’aventure même adulte. Elle est plus consciente du danger que dans le premier tome. Je donne mon étoile à Derek. Parfois, il m’énervait, mais j’ai adoré son rôle dans cette enquête. Je pensais que c'était romantique que Kelly s’inquiète lorsqu’il travaillait sous couverture et qu’il demeurait à ses côtés pour élaborer des plans pour aider son amie.

J’ai pris du temps à le parcourir (presque 5 jours), mais c’est une œuvre qui se dévore facilement. Chaque chapitre ajoute au roman. J’avais seulement besoin du temps pour arriver à la fin, car il contient beaucoup d’information. C’est important de déguster chacune des lignes pour ne rien manquer.

J’aime bien les récits d’infiltration en général et le fait qu’elle soit écrite par une autrice que j'adore. Certaines scènes surtout vers la fin m’ont donné froid dans le dos. Sylvie G. a le don de surprendre les lecteurs. Les deux amies de Kelly sont attachantes et ajoutent de l’humour dans l’histoire dont le thème est sombre.

Un autre point positif, la musique fait partie de l’œuvre pendant les premiers chapitres et Geri Halliwell des Spice Girls est mentionnée. Ce groupe m'a marqué et ça me fait plaisir chaque fois que je le vois dans un roman.

Extraits

À l’exception d’un soupir exaspéré de ma mère, je ne perçois pas la suite de l’échange parce que je suis déconcentrée par Alex, qui explique à Jasmine pourquoi elle songe à devenir danseuse érotique.

-          Sans blague ! Kelly faisait de la gymnastique, toi du ballet classique, et moi, du patinage artistique ; je suis persuadée qu’on réussirait facilement les auditions, avec notre bagage d’expérience, plaisante Alex. (p.44)

 

-          Et ton travail, il te plait toujours ? relance-t-elle pendant que je me sers de l’eau, surtout pour fuir ses yeux.

Je sais à quoi est dû ce questionnement et je n’ai pas les réponses qu’elle espère.

-          Ça va, même si j’avoue que les tâches cléricales deviennent aliénantes. Je suis impatiente d’avoir des dossiers plus concrets à régler. Je me sens comme lorsque j’étais petite à la gymnastique et que je regardais ma coach exécuter le mouvement à titre d’exemple. J’avais des fourmis dans les jambes tant que Marie-Catherine ne donnait pas le feu vert pour qu’on puisse l’exécuter à notre tour. (p.49)

 

-          Vous ne devinerez jamais qui on a vu. Geri Halliwell ! s’exclame Viktor avant qu’on ait le temps d’y réfléchir.

-          C’était une des Spice Girls, non? me demande discrètement Jasmine. (p.112)

Mon entrevue avec l'auteure 

Ma chronique de l'Appât 

Ma chronique de GHB 

Ma chronique de Piégée 

jeudi 27 janvier 2022

Entrevue avec Sophie Huard

 

Biographie

Diplômée de l’Université Laval en administration, Sophie Huard poursuit une carrière en gestion, marketing et expérience client. Au bout de quinze ans, elle quitte son emploi dans une grande banque pour mettre à profit sa créativité en se consacrant à l’écriture. Elle s’affaire maintenant à imaginer des histoires d’aventures où l’humour et l’amour sont aussi au cœur de l’action. 7 jours tout inclus est sa deuxième série pour adolescents et la première aux Éditions La Bagnole.

Crédit biographie et photo : www.leseditionsdelabagnole.com/sophie-huard/auteur/huar1017

Questions

Le voyage prend une place importante dans ta série 7 jours tout inclus, as-tu une destination préférée ?

J’aime beaucoup voyager et découvrir de nouveaux endroits. J’ai adoré l’Italie, la Grèce, la Croatie et les îles d’Hawaï. J’ai un faible pour les destinations soleil et la mer, mais j’aime aussi visiter les villes ainsi que les endroits où la nature est à l’honneur comme l’Ouest canadien, l’Arizona et l’Autriche. Je rêve de voir l’Écosse depuis un bon moment alors j’espère pouvoir y aller prochainement...

Quels défis as-tu rencontrés pendant l’écriture de ton premier roman?

Après avoir terminé le premier jet de mon roman « Le Pacte », j’ai demandé à un écrivain de le lire. J’ai pris en considération quelques-unes de ses recommandations ce qui m’a amené à retravailler le manuscrit. De fil en aiguille, j’ai eu plusieurs autres idées pour améliorer le récit. Au final, j’ai réécrit presque la moitié du roman. J’y ai consacré plusieurs mois de travail supplémentaires, mais cela a été bénéfique.

Quelles sont tes sources d’inspiration?

Pour ma part, la créativité provient souvent de la curiosité ; soit des recherches que je fais ou des questions que je me pose.

Par exemple, lors de l’écriture du tome 2 de « 7 jours tout inclus » (une série d’aventures où l’on peut suivre deux jeunes agents secrets dans leur mission autour du monde) j’ai fait des recherches sur la ville de Palm Beach et les environs afin de bien décrire les lieux. J’ai eu le goût d’inclure une scène dans les marécages des Everglades où l’on retrouve beaucoup d’alligators. Cela m’a ensuite donné l’idée de nommer le dangereux gang de motards les Deadly Gators et de construire l’identité du clan autour de ce thème.

D’autre part, ma série « Le Pacte » est inspirée de la légende du pont de Québec. Je me suis alors demandé ce qui pourrait arriver si cette légende était vraie ? Cette simple question a donné naissance à un monde fantastique complexe où les héros possèdent des dons en lien avec les cinq éléments et où ils se mesurent à des créatures maléfiques.

Quels conseils donnerais-tu à un nouvel auteur?

Être persévérant et écouter la petite voix intérieure qui guide notre passion, même si parfois la voix du doute et le jugement des autres semblent résonner plus fort.  

Quelles sont les principales qualités d’un roman jeunesse?

Je pense qu’un roman est accrocheur lorsqu’il met en scène des personnages attachants et que l’intrigue tient en haleine jusqu’à la fin. Je garde toujours en tête cet objectif lorsque j’écris un roman, car ma mission comme auteure jeunesse est de donner le goût de la lecture à ce public cible.  

Quels sont tes prochains projets?

Je travaille en parallèle sur une nouvelle série fantastique et j’ai également débuté les plans de deux romans ayant une trame un peu plus dramatique. J’ai plusieurs autres idées d’histoires qui mûrissent dans une boîte, y compris l’ébauche d’un conte de Noël. J’ai bien hâte d’avoir le temps de développer davantage ces projets.

Ma chronique du tome 1 de 7 jours tout inclus 

Ma chronique du tome 2 de 7 jours tout inclus 


mardi 25 janvier 2022

Entrevue avec Charles-André Marchand

 


Crédit : Charles-André Marchand

Biographie

Charles-André Marchand, né en 1961 à Montréal (Québec), est un communicateur, narrateur, scénariste, romancier, journaliste et animateur. Il est président de Communications Camdan, une entreprise qui fournit divers services de communications pour les médias et les entreprises. Depuis juillet 2016, il est de retour à la radio à titre de membre de l'équipe du 91,9 Sports à Montréal

Parallèlement il continue de prêter sa voix à différents travaux, que ce soit pour le compte des publicités de Jaguar, de Easton ou pour des doublages de documentaires américains qui se retrouvent tantôt sur les écrans des avions d'Air Canada, tantôt sur nos écrans à Canal-D, Canal-Savoir ou RDS. Il est présentement sous contrat avec diverses maisons de production pour la recherche et une participation à l'écriture de nouvelles séries télévisuelles documentaires sur différents sujets de société pour des chaînes spécialisées comme Canal-D, Historia et autres. On peut aussi l'entendre comme traducteur pour le compte de plusieurs chaînes de télévision du Canada anglais comme CTV-News, TSN, BNN et als ainsi que pour plusieurs entreprises nationales et internationales.

Polyvalent et fier de l'être, Charles-André Marchand a été, entre autres choses, la voix des Alouettes de Montréal et des Carabins de l'Université de Montréal la radio pendant une dizaine d'années. Il fut aussi annonceur-maison du Grand Prix du Canada de Formule Un pendant plus de dix ans et fut Directeur du marketing et du Développement des Affaires au réputé club privé de golf Hillsdale dans les Basses-Laurentides.

Sous contrat avec la prestigieuse maison d'édition AdA, il a publié en 2017 l'autobiographie du pilote automobile Bertrand Godin, intitulée "Piloter son Avenir" juste à temps pour le Salon du Livre de l'Estrie, puis, un mois plus tard, un premier roman, intitulé "Zivanka de Mazowiecki", tome initial de la série historico-fantastique "Les Funérailles des Dieux". L'année suivante, il a publié la suite de cette série, "La Madone des Étoiles". Il est aussi l'auteur de Pègre Qc, une série consacrée à l'histoire du crime organisé au Québec de la Nouvelle-France à nos jours. Il aussi prêté sa plume à Rémy Couture pour "Le Maquilleur de l'horreur ou quand l'art devient criminel", toujours publié chez AdA. L’automne dernier, avec Katherine Girard, ils procédaient au lancement des deux premiers tomes de la romance historique Arcade et Gail : « Les amours impossibles » et « Les âmes brisées ».

Crédit : Charles-André Marchand — Wikipédia (wikipedia.org)



Crédit : Charles-André Marchand

Questions

D’où vous vient votre intérêt pour l’histoire et le sport?

J’ai toujours été fasciné par l’histoire. En prime j’ai eu le luxe d’avoir au Collège Notre-Dame (collège privé sur Queen Mary Rd), d’avoir des profs comme André Hains et Marcel Trudel. Puis au CÉGEP, il y avait Suzanne Trudel, professeure d’histoire de l’art qui m’a fait découvrir des peintres comme Boesch et Bruegel.  Ces gens-là m’ont fait adorer l’histoire et surtout, ils m’auront fait découvrir que c’est beaucoup plus que des dates mais qu’il y a des êtres humains, en chair et en os, avec leurs qualités mais aussi leurs défauts, qui l’ont fasciné. Prenez Pègre QC par exemple, on y découvre que Montréal avait beau être la ville des mille clochers d’église, nos aïeux ne devaient pas être si vertueux que ça puisqu’il y avait dans le Red Light plus de huit cent bordels. Pas certain qu’il y a autant de bordels en 2022 dans toute la province de Québec. Nos grands-pères et arrières grands-pères avaient beau aller à la messe tous les dimanches, certains avaient bien des péchés à se faire pardonner ou à confesser! Pour ce qui est du sport, je suis né dedans. Mon père, mes oncles, mes tantes avaient tous des billets de saison pour le Canadien, les Expos, les Alouettes et même le Manic (club de soccer). J’ai assisté à mon premier match de hockey au Forum une veille de Noël, au milieu des années soixante. J’avais cinq ans et je m’en souviens comme si c’était hier. Je revois les éclairages fascinants à l’intérieur du Forum, la blancheur de la patinoire que la télévision, même en couleur, de l’époque, ne montrait pas dans toute sa splendeur.  J’étais au Parc Jarry pour le tout premier match à domicile des Expos en 1969, l’été de mes huit ans. J’ai aussi vibré le 31 décembre 1975 lors du magnifique match de 3-3 entre le Canadien et l’équipe de l’Armée Rouge. Vladislav Tretiak avait eu droit à une ovation debout et je me souviens de l’avoir vu pleurer face à un tel hommage donné par l’ennemi capitaliste. Ma famille avait des billets pour à peu près tous les événements des Jeux Olympiques de 1976 alors j’ai été témoin des exploits de Nadia Comaneci (gymnastique), Sugar Ray Leonard (boxe) et Kornelia Ender (natation). C’était l’été de mes quinze ans et comme des millions de petits garçons, j’étais follement et secrètement amoureux de la belle Nadia Comaneci! J’ai découvert la course automobile avec le personnage de bande dessinée Michel Vaillant et je n’ai pas manqué un seul Grand Prix du Canada à l’île Notre-Dame depuis 1978. Deux ans plus tard j’amorçais ma carrière de commentateur sportif à la radio à CJMS. Ajoutez à cela qu’au Collège Notre-Dame, le sport était, du moins à mon époque, une matière obligatoire, comme le français ou les mathématiques. Nous avions une période de sport par jour, cinq jours semaine. Nous changions de plateau à chaque semaine : piscine, gymnase, aréna, pistes et pelouse, dojo, etc. Nous avions aussi un chalet dans les Laurentides alors très tôt j’ai été passionné des sports de glisse que ce soit le ski alpin ou le ski de fond.

Quels défis avez-vous rencontrés lorsque vous avez écrit votre série : Les amours impossibles avec Katherine Girard?

La technologie aura gommé le plus grand défi qui était la distance qui nous sépare. Katherine, son conjoint et leurs deux filles habitent dans le centre-du-Québec et moi et ma conjointe sommes dans l’ouest de Montréal. Nous sommes à plus de cent-cinquante kilomètres un de l’autre. Elle est enseignante à Drummondville alors que moi mon univers professionnel gravite en plein cœur du centre-ville de la métropole. Mais grâce à la magie du web, nous pouvons faire irruption dans le texte quand nous avons du temps pour écrire. Dans son cas c’est souvent très tôt le matin alors que de mon côté c’est davantage en fin de journée, en soirée ou même en pleine nuit. En ce sens, on se complète très bien. Et toujours grâce à la technologie on peut se faire des courtes réunions sur Facetime pour discuter de l’évolution de l’histoire et des personnages, corriger le tir lorsque nécessaire. En fait, j’oserais même dire que Katherine et moi sommes un couple littéraire parfait. Au point où il m’arrive de me demander qui a écrit quoi. Écrire à quatre mains c’est une épiphanie, je le répète. Surtout quand c’est écrit par un gars et une fille. Elle rend les personnages féminins tellement plus formidables, plus nuancés. Je donne une autre dimension aux personnages masculins. Je suis avant-tout un scénariste, formation en cinéma en Film Production à l’université Concordia oblige. Katherine est une lettrée, professeure de littérature au CEGEP oblige. Mais pour ce qui est de nous deux ça se fait sans heurt. Ça coule de source.  Nous sommes deux complices, deux amis qui laissent leurs égos dans le vestiaire en tout temps. C’est aussi ça la clé. Il faut beaucoup d’humilité pour écrire à quatre mains. Il faut que les deux soient au service de l’histoire. Je dirais aussi que la différence d’âge, donc de vécu, ajoute beaucoup. Je suis un papy âgé de soixante ans dont les trois enfants sont âgés de 27, 29 et 33 ans. Katherine est une jeune maman au début de la quarantaine. Si j’ajoute celle que je surnomme notre directrice de conscience, notre réviseure éditoriale Catherine Lemay qui est dans la vingtaine, je crois que ça donne encore plus de relief et de crédibilité au récit. C’est trois générations, trois perspectives, qui réfléchissent au produit final et c’est tant mieux. Au final, ça donne des romans totalement différents de ce que nous avions jusqu’ici écrit, chacun de notre côté, Katherine et moi, en solo. Nous apprécions tellement l’expérience que ce qui devait n’être qu’une trilogie sera une véritable série. Je vous l’annonce en primeur, nous sommes à finir le tome 3 et déjà nous commençons à cogiter le tome 4. Dieu sait où ça s’arrêtera!

Combien de temps cela vous a-t-il pris pour écrire votre série Pègre Qc? Est-ce que cela vous a demandé énormément de recherche?

On ne peut pas compter ses heures quand on écrit. Oui, il y a de la recherche, du gros travail à faire à éplucher les journaux et les documents de la  BaNQ (Bibliothèques et Archives Nationales du Québec) que ce soit pour mes romans ou pour Pègre QC. Mais j’aime ça. Je trouve que les journaux d’époque nous offrent un vrai portrait de la société que les manuels d’histoire, justement parce qu’on y découvre ce qui passionnait le monde ordinaire. Pis entre toi et moi, ne le répète à personne, il m’arrive d’utiliser des informations glanées dans un journal pour les récupérer dans un autre ouvrage. Oui, je suis fou de même. En fait, le journaliste en moi est toujours un peu fouine quand je m’aventure dans les archives. Je pars à la recherche d’une information bien précise mais rapidement je me laisse distraire par une nouvelle, une publicité voire même la météo de cette journée-là de 1920 ou 1921. Je prends des notes. Je noircis mes calepins en me disant que ça pourrait un jour me servir. S’il y a une constante chez moi, que ce soit des séries documentaires comme Pègre QC, des romans comme les Funérailles des Dieux ou Arcade et Gail c’est qu’il y a toujours une trame de fond ancrée dans l’histoire avec des personnages bien réels comme Pie IX, le Frère André, Émile Zola ou le maire Médéric Martin. J’aime raconter des histoires mais j’aime aussi les épicer de faits historiques. J’aime humaniser l’histoire, la rendre vivante et qui sait, peut-être donner le goût aux lectrices et lecteurs de s’y intéresser, de la redécouvrir loin des livres qui leur furent imposés à l’école. Pour moi c’est important de placer mes personnages un contexte factuel. Même dans les quelques romans coquins que j’ai commis, sous un nom d’emprunt, je m’amuse en amenant mes personnages à rencontrer des célébrités ou des gens qui ont marqué leur époque. Cela dit, compter nos heures c’est absolument impossible pour un écrivain. Un professeur de scénarisation avait déjà dit à la blague que même quand il regarde par la fenêtre la neige tomber, l’auteur travaille. Le cerveau est toujours allumé, réceptif à des éléments susceptibles d’être éventuellement intégrés à une histoire. Plus jeune je noircissais mes calepins de notes dans l’autobus en allant ou en revenant de l’école, en inventant une vie aux gens qui étaient assis devant moi, en leur imaginant un nom, une profession, une vie de famille. Tous les auteurs sont un peu des vampires intellectuels.  La recherche n’est qu’une partie du travail de création. Il faut d’abord être passionné. Je préfère faire de la recherche et écrire que d’aller frapper des p’tites balles blanches dans un club de golf. Au final, ça me détend davantage et ça me coûte drôlement moins cher.

Aimeriez-vous écrire une série sur le sport, si oui, sur quel sport en particulier?

Si c’était le cas ce serait où la course automobile ou le football. Malheureusement, je crois que de nombreuses œuvres dramatiques ont été basées sur ces sports alors il me faudrait vraiment avoir un angle bien particulier. J’ai dans mes cartons un roman destiné à un public jeunesse qui porte sur le football mais il y manque encore quelques ingrédients pour que j’aie envie de le soumettre à mon éditeur. De toute façon, entre la suite de Pègre QC et celle d’Arcade et Gail, j’ai beaucoup de pain sur la planche pour les mois à venir.

Quelles sont les différences entre écrire un roman et écrire pour la télévision?

C’est une très bonne question. Je dirais qu’un bon roman doit, en 2022, se lire comme on embarque dans une bonne série télévisuelle. Il faut que ça bouge, qu’il y ait des rebondissements. Cela dit, il faut aussi donner l’impression à nos lectrices et lecteurs, qu’ils voient les personnages. Contrairement à la télévision, il faut les décrire juste assez pour que chacune et chacun voient leur propre distribution de rôles. Mais au final, que ce soit au cinéma, à la télévision ou dans les romans il faut que l’histoire soit bien ficelée, il faut que les gens y croient. En fait, que ce soit à la radio, à la télévision ou dans l’écriture, nous n’avons jamais le droit d’être « plate ». C’est aussi simple que ça. Les gens sont trop occupés, la vie va trop vite pour offrir un divertissement ennuyeux quelle que soit la plateforme, quel que soit le médium.

Quels sont vos prochains projets?

On est à mettre la touche finale, Katherine et moi, au 3e tome d’Arcade et Gail. Ça devrait être terminé au cours des prochaines semaines. Ensuite je m’attaque aux 3e et 4e tomes de Pègre QC. Le troisième est presque complété et la structure du quatrième déjà bien établie alors ça devrait être terminé au cours de la prochaine année. Par la suite, il y a le quatrième tome d’Arcade et Gail qui sera en chantier et j’ai encore la série Les Funérailles des Dieux à compléter avec les 3e et 4e tomes. Au final, il devrait y en avoir six. Sans compter que j’ai quelques autres projets en tête dont je ne veux pas parler pour le moment. Il faut bien que je vous réserve quelques surprises. Alors disons que je ne manquerai pas d’ouvrage au cours des prochaines années.


lundi 24 janvier 2022

Entrevue avec Marie Hélène Poitras

 


Biographie

Fascinée par les liens qui existent entre musique, mots et images, par l’art de raconter des histoires et les personnages plus grands que nature, Marie Hélène Poitras invente des univers singuliers portés par une écriture foisonnante. L’écrivaine montréalaise née à Ottawa a reçu le prix Anne-Hébert pour son premier roman, Soudain le Minotaure (2002).

Son recueil de nouvelles La mort de Mignonne et autres histoires (Alto, CODA, 2017) a été finaliste au Prix des libraires du Québec. Alors que Griffintown (prix France-Québec et finaliste au prix Ringuet) lui a été inspiré par son expérience de cochère dans le Vieux-Montréal, La désidérata, publié chez Alto en 2021 s’est nourri de ses pérégrinations dans la campagne française et aborde le sujet de la violence faite aux femmes sous la forme d’une fable sensuelle et envoûtante.

Crédit : Marie Hélène Poitras - Éditions Alto (editionsalto.com)



Crédit : Charles-Olivier Michaud

Questions

Soudain le Minotaure célèbre le 20e anniversaire en 2022, est-ce qu’il y a des différences dans l’écriture de la première version et celle de la réédition ?

Oui, plusieurs. D’abord, j’ai inversé l’ordre des deux parties du diptyque. Dans la version 2022 du roman, Ariane vient en premier et ensuite Mino Torrès. C’est ainsi que j’avais conçu l’histoire au départ. Elle est plus dérangeante, peut-être aussi plus brutale dans cet ordre, mais aussi, selon moi, plus honnête et détachée de l’objectif de rassurer le lecteur. Parfois la littérature est inconfortable et déstabilisante, comme la vie.

Aussi : notre vision du monde a beaucoup changé en vingt ans ; notre regard est aujourd’hui plus sensible, nuancé et empathique. Nous sommes plus conscients aujourd’hui de l’articulation des rapports de pouvoir et de la notion de privilège. J’ai fait pas mal de changements un peu partout dans le roman dans le souci de coller davantage à ma perspective actuelle sur le monde, dans le respect des sensibilités qui se sont révélées au cours des dernières décennies.

D’autres modifications d’ordre mineur ont été effectuées pour actualiser certaines technologies désuètes qui avaient cours à l’époque, mais qui ont disparu et qui créaient des effets de glitch temporel. C’est plus fluide et moins daté dans la nouvelle version.

Quelles sont vos sources d’inspiration ?

Les questions auxquelles les réponses apportées ne me satisfont pas et qui finissent par m’obséder ; les problèmes jamais résolus mais trop importants pour être ignorés ; les choses trop belles, les personnes trop sensibles et l’innocence des animaux.

Comment décririez-vous votre style littéraire ?

Mon éditeur le qualifie de « fleuri brutal » et je suis assez d’accord ! Mon style se transforme un peu d’un livre à l’autre pour épouser les histoires et ambiances que je crée.

La musique est présente dans votre œuvre Soudain le Minotaure, quels sont les chanteurs qui vous ont le plus marqués ?

Ça change beaucoup d’un livre à l’autre. C’est sûr que PJ Harvey reste dans mon palmarès. Elle y était déjà pour Soudain le Minotaure et elle y est encore vingt ans plus tard. Sur scène, elle est formidable et c’est un genre de « role model » pour moi de par son côté rude et étincelant, sans compromis.

Je ne me tanne pas de la voix de Nina Simone, qui pour moi porte à la fois toute la douleur du monde et son baume. J’aime la texture très riche de sa voix, son intensité et son androgynie.

En ce moment je suis dans une phase soul/RnB : Al Green, Curtis Mayfield, Dusty Springfield, Marvin Gaye, Otis Redding et ça va jusqu’à la néo-soul actuelle : Arlo Parks, Aaron Frazer, Jorja Smith, Leon Bridges, Michael Kiwanuka, etc.

Et gros coup de cœur pour le nouvel album des Louanges, Crash.

Quels défis avez-vous rencontrés lors de l’écriture de votre premier livre ?

Le défi, c’est moi-même qui me le suis donné : je me suis glissée dans la peau d’un agresseur, psychopathe épileptique et j’ai écrit son histoire au JE. J’ai fait beaucoup de recherche pour pouvoir créer ce personnage, j’ai lu énormément et me suis documentée. J’ai validé des informations avec des spécialistes. C’est à travers ce personnage horrible que j’ai découvert que j’étais une autrice de fiction dont la posture d’écriture était dirigée vers l’Autre beaucoup plus que vers moi-même, et qu’écrire répondait chez moi à un mouvement vers l’extérieur, à la volonté de me lier au monde.

Pendant votre pause, est-ce que l’écriture vous a manqué ?

J’ai travaillé beaucoup comme recherchiste en radio et en télé entre 2014 et 2020. Ce n’était pas une pause, mais c’est une période où j’avais très peu de temps et d’espace mental pour écrire de la fiction. Ce fut trop long et à la fin, j’avais l’impression d’avoir perdu mes couleurs et d’être devenue l’ombre de moi-même. Écrire est exigeant, envahissant et grisant à la fois, et demande de nombreux sacrifices. C’est toujours compliqué de trouver comment gagner sa vie à travers le temps que commande l’écriture. Il y a des périodes où la création est très présente et d’autres non – parfois ce n’est pas une mauvaise chose. Mais cet intervalle temporel de six s’est avéré beaucoup trop long pour moi effectivement.

Quels sont vos prochains projets ?

J’ai presque terminé un recueil de nouvelles – un livre dans l’esprit de La mort de Mignonne et autres histoires.

Je travaille également sur un album jeunesse illustré avec VIGG (Ma maison-tête) qui a pour thème le droit à la différence. Je vais bientôt entamer une résidence d’écrivaine à l’école primaire St-Simon-Apôtre à Montréal, avec cinq classes de 5e et 6e année (de février à avril 2022). J’ai très hâte – cela est nouveau pour moi et cette résidence se fera en parallèle avec mon projet de livre. Il sera publié aux merveilleuses éditions Fonfon, comme celui que j’ai lancé en août dernier (L’épopée de Timothée).

J’ai aussi un projet de roman graphique à un stade très embryonnaire pour le moment. Il est inspiré entre autres par mon expérience de bergère urbaine avec l’organisme Biquette. Il y aura beaucoup de petits moutons dans ce livre ;)

Lien de ma chronique Soudain le Minotaure 

L’après- Tome 2 de Émilie Ouellette

 


Publié chez les éditions Le petit homme le 18 octobre 2021

240 pages

4e de couverture

Skye est poursuivie. Maikan et sa bande la talonnent. L'envie de jeter un regard derrière elle est énorme, mais elle ne doit pas céder à cette tentation. Le moindre faux mouvement pourrait lui faire perdre les précieuses secondes d'avance qu'elle a sur eux et coûter la vie à tous les jeunes en ville, incluant la sienne.

Elle se concentre sur sa respiration et sur sa course. Elle enjambe les obstacles qui se présentent à elle avec l'agilité d'un félin. Dans sa tête, les pensées se bousculent. Ils l'accusent d'un vol qu'elle n'a pas commis. Elle doit prouver qu'elle n'a rien à voir là-dedans. L'enjeu est capital: survivre à l'hiver qui arrive à grands pas.

Skye se réveille en sursaut, en sueur et essoufflée par ce cauchemar. Lorsqu'elle réalise où elle se trouve, elle prend conscience que, malheureusement, tout ceci est bien réel. Une seconde épreuve pour le clan de Skye, bien déterminé à survivre dans un monde sans adultes, coûte que coûte…

Mon avis

Une série jeunesse différente de ce que je lis habituellement et je remercie la maison d’édition et l’auteure de m’avoir sortie de ma zone de confort. J’ai réfléchi si cela ressemblait à un roman dans ma bibliothèque et  je n’ai rien trouvé. L’histoire se passe dans un monde post-apocalypse ou seulement les enfants ont survécu. L’idée de base intéressante. Chaque personnage du groupe apporte son expertise pour les aider à survivre dans un monde où ils sont laissés à eux-mêmes.

L’intrigue tourne autour de la rivalité entre la bande de Skye et un nouveau groupe concernant un alternateur. Ce n’est pas aussi violent que dans la majorité des films post-apocalyptiques, mais la tension est à couper au couteau. Pendant de nombreuses pages, j’ai essayé de deviner le coupable. C’est le moment fort du roman et c’est ce que j’ai le plus apprécié.

Difficile pour moi de choisir un personnage favori, chacun d’entre eux apporte beaucoup de l’histoire. Leur situation n’est pas évidente et ils tentent tous de survivre dans un monde sombre sans électricité. J’ai frissonné quand on apprend que c’est un virus qui a provoqué la disparition des adultes. Toutefois, je crois que c’est une question qu’on s’est tous posée lorsqu’on était enfant. Qu’est-ce qu’il se passerait, s’il n’avait plus aucun adulte autour de nous ? Heureusement, certains adolescents connaissent assez la mécanique pour aider les gens à survivre.

S’il y a un tome 3, j’aimerais qu’il se déroule en hiver. Je souhaite découvrir comment cela va se passer sans aucune d’électricité avec les températures polaires.

L’écriture convient à un public de 10 ans et plus. Il va directement au but avec assez de détails pour que le lecteur puisse s’imaginer l’environnement. Ce n’est pas sombre ni lumineux à cause des événements. Skye a un tout un caractère qui apporte de l’humour dans l’histoire.

Je le recommande aux adolescents qui cherchent à découvrir une série hors du commun. Je suis certaine qu’ils vont attendre le prochain tome (s’il y en a un) avec impatience.

Extrait

Skye n’a pas parlé de son anxiété avec Margot. Elle se serait inquiétée pour rien et l’aurait surveillée encore plus. Billie lui a donné de bons trucs pour gérer ses crises. Se concentrer sur sa respiration, nommer les choses qu’elle voit autour d’elle ou chanter des chansons à voix haute. Skye n’a jamais été attirée par la musique, mais elle se souvient de leur chanson familiale. (p.16)


samedi 22 janvier 2022

Kelly McDade – Tome 2 GHB de Sylvie G.

 

Publié chez les éditions Boomerang le 16 novembre 2015

384 pages 

4e de couverture

Embauchée à titre d'aide-entraîneuse par un camp de gymnastique de la ville de Québec, Kelly entrevoit un été bien chargé. Toutefois, l'adolescente verra son emploi d'étudiante chamboulé lorsqu'elle apprendra qu'un violeur-meurtrier qui s'en prend aux jeunes filles de 17 ans sévit dans la région. Assistée de ses amis, Kelly tentera d'élucider cette enquête criminelle à sa façon en espérant ne pas y laisser sa peau. Mais cette fois, Derek réussira-t-il à la protéger?

Mon avis

Troisième roman que je lis avec Kelly qui m'étonne de plus en plus. Bien que cette série soit pour un public adolescent, j'embarque dans chacune de ses aventures. 

Celle-ci m'a impressionnée avec son réalisme puisque même dans mon temps, on me disait de toujours vérifier mon verre à cause du GHB. Kelly est aussi curieuse, ce qui lui causera des problèmes d'autant plus qu'elle n'est pas encore enquêtrice. Les événements qui se produisent dans ce roman changeront sa vie à tout jamais. 

Mon étoile va à son professeur qui m'a fait le plus vibrer et qui m'a le plus malgré qu'il soit un personnage secondaire. C'est lui qui m'a fait vivre le plus d'émotions après Kelly. L’auteure a réussi à me berner à mainte reprise avec lui et c’est pour cette raison qu’il m’a le plus marqué.

L'écriture est aussi intrigante et intense que dans les autres tomes. Je suis convaincue que vous allez vivre un excellent moment. Je n’ai pas vu le temps passer et c’est le livre que j’ai parcouru le plus rapidement en format numérique. Mes yeux n’ont pas eu la chance de se fatiguer avant que je termine le dernier chapitre.

Je crois que c'est une œuvre que les adolescentes devraient lire au secondaire pour réfléchir au danger du GHB. J'étais au début de la vingtaine quand j'en ai entendu parler pour la première fois, alors que Kelly et ses amies n'ont que 17 ans lorsqu'elles se trouvent dans cette situation. Plusieurs filles vont être victimes de cette drogue et vous allez souhaiter deviner le coupable dès les premiers chapitres. 

Je suggère de lire le premier tome pour connaître les personnages, mais je vous assure que vous allez vous attacher à chacun d'entre eux. Plus je les découvre, plus j’ai hâte de parcourir la suite. Je me questionne s’il va avoir un autre bouquin avec Kelly après Red Velvet.

 Lien de ma chronique du tome 1 

Lien de ma chronique du tome 3 

Lien de mon entrevue avec l'auteure 


mercredi 19 janvier 2022

Soudain le Minotaure de Marie Hélène Poitras

 


Publié chez les éditions Alto le 18 janvier 2021

174 pages

4e de couverture

Édition vingtième anniversaire revue et suivie d’une postface de l’autrice Au tournant du millénaire, Ariane parcourt l’Allemagne, découvrant les traces de la barbarie des guerres. Elle cherche aussi à surmonter les séquelles d’une autre incarnation de la violence, une agression brutale à laquelle elle a survécu de justesse.

Au même moment, dans un pénitencier de l’Ontario, son assaillant macère dans la haine et la rage qui ont fait de lui un prédateur, naviguant entre pulsions et punition, entre ses fantasmes et ses mauvais souvenirs. Au son de Portishead et de PJHarvey, dans les rues d’un Montréal cru et vivant, ce roman-culte donne la parole aux deux acteurs d’une rencontre fracassante.

Loin de toute ambition moralisatrice, Soudain le Minotaure se lit comme une exploration frontale de la violence faite aux femmes. Une lecture qui se révèle, vingt ans plus tard, plus pertinente que jamais, plus déroutante qu’une avancée dans le labyrinthe d’un monstre.

Mon avis

Je vous avoue que je ne savais pas dans quel angle écrire cette chronique puisque l’histoire est bouleversante. J’avais déjà lu Griffintown de la même auteure, mais avec Soudain le Minotaure, on se trouve dans un autre niveau. Ce n’est pas une œuvre lumineuse. Toutefois, elle est utile surtout en cette période d'après #MeToo. L’agression d’Ariane se produit dans les années 90, mais pourrait très bien se dérouler de nos jours. J’aime les romans qui se passent dans cette décennie chère à mon cœur. Maintenant, je vois cela d’un autre œil.

Le livre est séparé en deux parties : celle d’Ariane qui raconte ce qu’elle a vécu pendant et après l’agression et celle de son agresseur Mino. Je donne une étoile à l’écrivaine pour la seconde partie qui n’a pas dû être évidente à écrire. J’avais l’impression d’être dans sa tête et c’est un point de vue qu’on retrouve peu dans les romans. Bien que les chapitres de Mino m’aient fait frissonner, ceux d’Ariane m’ont touché davantage. L’auteur a tellement bien décrit sa peur et sa peine que je voulais la serrer dans mes bras. J’ai bien aimé les dialogues avec des phrases dans une autre langue et d’avoir pu visiter brièvement l’Allemagne malgré qu’elle tentait de reprendre le dessus. Dans tous les personnages, c’est le frère d’Ariane qui est mon préféré. Il reste à ses côtés, peu importe ce que sa sœur vivait.

L’écriture touche directement le coeur, mais avec des intermèdes permettant au lecteur de respirer. D’ailleurs, j'apprécie que la musique, les descriptions des divers environnements soient présentes, cela ajoute un peu de lumière à un récit difficile. Bien qu’on se mette dans la tête de Mino, je n’ai pas ressenti de l’empathie pour lui et on n’en fait pas l’éloge. C’est seulement pour nous expliquer à quoi il pensait lors des événements.

Je le recommande si vous aimez lire des livres avec des points de vue hors du commun et qui vous feront vivre des émotions en montagnes russes. C’est une œuvre qui vous fera réfléchir.

Extrait

Plusieurs fois par jour, le film de mon agression joue à toutes les chaînes de ma télé intérieure. Et quand le film commence, je deviens tétanisée et je ne peux m’empêcher de la visionner, une fois de plus, scène par scène en attendant la fin, puis le repos. Le seul truc que je connais pour y remédier est d’ouvrir les yeux et de dire « stop » à voix haute. Et d’allumer la lumière, même pour dormir.


mardi 18 janvier 2022

Les amours impossibles - Arcade et Gail T1 de Katherine Girard et Charles-André Marchand

 

Publié chez les éditions Monarque le 9 novembre 2021

4e de couverture


Décembre 1918. Lorsque Arcade Dubé, jeune chauffeur au service du magnat de la presse Marie Dumontier, accepte d’accompagner celle-ci au majestueux hôtel Windsor le soir de la Saint-Sylvestre, il est loin de se douter que sa vie sera bouleversée à tout jamais. Dans la salle de réception, il rencontre la pétillante Gail Lebovits, une jeune Juive issue d’une famille riche de Westmount. Arcade et Gail tombent sous le charme l’un de l’autre, même si tout concourt à les séparer.

 En effet, il est catholique, issu d’une famille de bandits, et traîne un lourd passé, alors qu’elle est juive, née avec une cuillère d’argent dans la bouche et sous le joug de parents surprotecteurs. Réussiront-ils à vaincre les nombreux obstacles qui entraveront leur chemin et à vivre leur amour au grand jour?

Mon avis

Tout d’abord, je remercie l’auteure pour sa confiance renouvelée et pour le bon moment de lecture. C’est la deuxième série que je lis qui se déroule à la même époque et c’est toujours plaisant de découvrir de nouveaux points de vue et des détails qui ne se trouvaient pas dans le premier livre. Je recommande de vous procurer Au gré des vents de Sonia Alain, si vous avez aimé les aventures d’Arcade et Gail.

J’ai adoré l’univers comme à chacune des œuvres de Katherine Girard et en plus j’ai eu la chance de lire un nouvel auteur. Ce roman a été écrit à 4 mains, mais cela ne paraît pas dans l’écriture qui est fluide du premier au dernier chapitre. Je n’ai pas rencontré de point de vue et les protagonistes m’ont gardé en haleine jusqu’à la fin.

Gail est le personnage qui m’a le plus impressionnée. Au commencement, je pensais qu’elle agirait comme une fille de première classe, mais elle a plus de cran que je l’imaginais.  Elle demeurait sur ses gardes au début, cela ne l'empêche pas de s'ouvrir à Arcade qu’elle connaissait peu. Je dirais que la seule chose qui m’a un peu dérangé est la rapidité avec laquelle les personnages sont tombés amoureux. Ce fut un coup de foudre dès leur première rencontre. Toutefois, cela prend un moment avant que cela se produit dans le roman, alors on a le temps de découvrir la véritable personnalité d’Arcade. J’adore son côté mystérieux et qui n’hésite pas à prendre la défense Gail. Cela donne envie de poursuivre sa lecture, ma pile contient déjà le deuxième tome.

Je trouve que les chapitres sont assez détaillés pour nous transporter au début du siècle dernier et nous faire ressentir les émotions des personnages sans exagération. Je n’avais pas l’impression d’assister à un cours d’histoire et c’est ce que j’apprécie dans ce genre littéraire. J’ai autant ri que pleuré en parcourant les pages. J’ai dû garder un mouchoir près lorsque j’approchais de la fin du livre. Certains événements m'ont bouleversé et j’ai dû prendre une pause. Vous devez vous en douter, la relation entre Gail et Arcade n’est pas un long fleuve tranquille.

Je vous recommande d’acheter les deux tomes en même temps pour ne pas attendre trop longtemps. Reste à voir si la série va se poursuivre plus tard cette année, car je me suis attachée à ce couple qui a des ressemblances avec Jack et Rose de Titanic, mais en version québécoise.

Extrait

Je vois quelqu’un ou quelque chose, et l’image demeure imprimée dans ma mémoire, osa expliquer Arcade. C’est la même chose pour la musique ou les textes. On dit aussi que c’est une mémoire absolue. (p.99)

Ma chronique de Au gré des vents de Sonia Alain 

Mon entrevue avec Katherine Girard

Entrevue avec Marie-Krystel Gendron

 


Biographie

Née d’un père artiste peintre et d’une mère propriétaire d’un salon de coiffure—le 10 mai 1986 à Greenfield Park—Marie-Krystel évolue au sein d’une famille pour qui la création et le sens artistique occupent une importante place au quotidien. Dès l’adolescence (noircissant les pages de ses nombreux cahiers, rédigeant pour le plaisir poèmes et récits fictifs) c’est en quatrième secondaire qu’elle réalise combien son besoin d’écrire devient puissant. Durant un certain cours de français, alors qu’elle s’adonne à une composition écrite, elle comprend que l’écriture est devenue une passion. Grande consommatrice de romans jeunesse, et de la revue Filles d’aujourd’hui, Marie-Krystel souhaitait déjà à l’époque vivre de sa plume. Rêvant de pouvoir un jour posséder sa propre chronique dans l’une de ses revues qui lui plaisent tant, elle commence à s’informer des procédures à suivre dans le but d’intégrer le milieu des communications. N’étant pourtant pas la plus studieuse ni la plus concentrée des élèves, angoissée par les études requises pour atteindre son but, elle baisse les bras. Laissant la peur prendre le dessus, elle abandonne son rêve (ou plutôt… le met de côté). Afin d’assouvir son côté créatif, elle se tourne donc vers la coiffure—un domaine dans lequel elle baigne depuis sa plus tendre enfance.

L’appel de l’écriture se faisant toutefois de plus en plus fort, ce besoin viscéral la pousse finalement à sortir de sa zone de confort, et de reprendre le crayon. Au tout début de sa vie de jeune adulte, inspirée par India Desjardins et Rafaele Germain, c’est en 2008 que voit le jour son personnage de Maria Lamoureux. Cette coiffeuse début vingtaine qui tente de trouver l’amour à tout prix deviendra rapidement son alter ego. Ce n’est par contre seulement lors de la rédaction du deuxième tome qu’elle ose s’intéresser aux maisons d’édition, et à la possibilité d’être publiée. Quelques mois plus tard, après plusieurs lettres de refus, elle remise au placard cette délurée Maria.

En 2011, alors qu’elle consomme énormément de romans québécois, un déclic se fait dans son esprit. Elle doit absolument retravailler ses œuvres, trouver son propre style, et développer un filon gagnant. Presque un an plus tard, à une époque durant laquelle elle travaille à temps perdu sur une oeuvre du genre Chick lit, une cliente lui fait une remarque désobligeante sur son emploi. Piquée au vif par ces préjugés concernant le milieu de la coiffure, elle trouve soudain son angle. Elle dépoussière donc sa colorée Maria Lamoureux afin de dénoncer les aléas et travers irritants du métier de coiffeuse… tout en humour. Prenant le taureau par les cornes, Marie-Krystel frappe à la porte de plusieurs maisons d’édition, assiste également à divers lancements dans le but de se créer un réseau. Aussi, elle participe à bon nombre d’ateliers pour parfaire son art. Puis, la magie opère. Les Éditeurs Réunis lui donnent sa première chance. Elle lance finalement le premier tome de sa série Confidences d’une coiffeuse en 2016, suivi rapidement du 2e et 3e tome de la trilogie. Plus récemment, en mars 2020, une douce romance à la plume sensible et romantique voit le jour. Son quatrième roman Un été à l’auberge arrive en librairie. Après une route sinueuse et un beau succès, Marie-Krystel travaille actuellement sur d’autres projets d’écriture.

Crédit : Biographie - Marie-Krystel Gendron (mkgendron.com)


Crédit : Marie-Krystel Gendron - Auteure | Facebook

Questions

Est-ce que ta trilogie Confessions d’une coiffeuse exaspérée est une autofiction?

Tout à fait, il s’agit d’un récit très près de mon propre univers. Les personnages sont calqués sur mon entourage, et l’héroïne principale me ressemble sans conteste. Par contre, plusieurs anecdotes ont été romancées, et les traits de caractère de Maria un brin amplifiés. Ce n’est clairement pas une autobiographie, mais je crois que je n’aurais pas pu aborder ce sujet sans me servir de ma propre expérience dans ce domaine, et y rendre justice comme il se doit.

Quelles sont tes sources d’inspiration?

Mon entourage, les gens en général (et dans mon milieu j’en rencontre énormément), les discussions et échanges avec mes précieuses amies concernant tout et rien à la fois. L’amour est évidemment une très grande source d’inspiration pour la romancière «romanticolucide» que je suis. Parfois, une simple chanson arrive à m’inspirer. Je suis très proche de mes émotions, et je crois que ça se devine dans chacune de mes œuvres.

Quels conseils donnerais-tu à un nouvel auteur? 

De persévérer, de lire également, de croire en soi et d’agir. Parce que songer à créer est une chose, mais l’appliquer en est une autre et la procrastination par peur de ne pas réussir est le pire ennemi d’un.une  auteur.e. 

Quels conseils donnerais-tu à une coiffeuse exaspérée? 

D’échanger avec d’autres professionnels de la coiffure et partager ses expériences avec eux. Quand on se compare, on se console! Ha ha! De toujours terminer sa journée de travail en arrivant à énumérer aux moins trois choses positives vécues ce jour-là. Parce qu’une coiffeuse simplement exaspérée, eh bien je crois que sa carrière ne durera plus très longtemps. Il faut savoir que chaque métier contient son lot de difficultés, mais s’il y a plus d’avantages que de désavantages… On est sur la bonne voie!

Pourquoi avoir choisi d’écrire de la chick lit? 

Je ne crois pas avoir choisi précisément ce style en toute conscience. J’aime plutôt penser qu’il s’est imposé à moi, et que selon les récits qui germent dans mon esprit, le genre devient une évidence. J’écris également de la romance qui se distingue tout de même de la Chick lit, et j’adore tout autant. Le rythme est différent, et j’aime alterner entre les deux.

 Aimerais-tu te lancer dans un nouveau genre littéraire? 

Absolument! La littérature jeunesse me fait de l’œil, et je crois que j’arriverais aussi à faire dans le drame. Je suis assez douée pour m’en inventer au quotidien (selon mon conjoint), et je dois admettre… qu’il a tout à fait raison! Hihi!

D’où t’est venue cette passion pour la coiffure et l’écriture?

 Je ne saurais dire d’où, précisément. C’est en moi depuis si longtemps que c’est un peu comme si c’était écrit dans le ciel. Ma mère est coiffeuse depuis toujours, et j’ai pratiquement été élevée dans son salon de coiffure. Je papotais avec la clientèle, et m’amusais à placer les étalages de produits divers de façon à ce que ce soit joli. Aussi, j’apportais toujours mon cahier d’écriture ou journal intime pour y dépeindre mes journées, les clients et clientes que je rencontrais, de qu’elle façon ma mère travaillait. J’y décrivais tout de long en large, et écrire a toujours été un exutoire dans ma vie de fille unique-émotive-drama queen-angoissée à l’imagination plus que fertile! À l’école primaire déjà, je prenais plaisir à inventer et mettre sur papier de courtes histoires pour divertir mes copines.

Quels sont tes prochains projets? 

Je termine actuellement la rédaction de mon 6ième roman, une douce romance du style de Un été à l’auberge (sorti en mars 2020), et je me dirige ensuite vers une comédie romantique de style Chick lit qui me tient énormément à cœur. Davantage depuis que je suis enceinte d’une petite fille. Il s’agit d’un projet que j’avais en tête depuis un bon moment, et que je suis impatiente de créer.

samedi 15 janvier 2022

Entrevue avec Valérie Langlois


Biographie

Détentrice d'un baccalauréat en psychoéducation, Valérie Langlois a travaillé pendant près de vingt ans dans le milieu de la déficience intellectuelle avant de se consacrer à l'écriture. Elle est l'auteure de deux romans historiques publiés chez VLB : Culloden – La fin des clans (2011, sélection de Québec Loisirs et de France Loisirs) et La Dernière Sorcière d'Écosse (2014, sélection de Québec Loisirs). Boursière du CALQ en 2012, elle a obtenu le prix Philippe-Aubert-de-Gaspé (au Salon du livre de la Côte-du-Sud) en 2015. En 2019, elle fait paraître La Page manquante, inspiré de son vécu. Là où tombent les samares est son deuxième roman publié chez Libre Expression. Elle est également l’auteure de deux albums jeunesses parus en 2019, Beau dodo (Dominique et Compagnie) et Fripouille ! (éditions Le Point Bleu). En 2021, elle co-dirige et participe au recueil de nouvelles  Murmures paru aux éditons Les Heures Bleues.

Crédit : Valérie Langlois : écrivain, auteur | Libre Expression (editions-libreexpression.com)

Questions

D’où vient ton intérêt pour l’Écosse?

D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours eu une fascination pour ce pays. Entre autres, lorsque j’étais enfant, mon père possédait une collection d’ouvrages Larousse, et chaque volume représentait un pays particulier. Moi, je retournais toujours dans les pages du livre sur le Royaume-Uni, spécifiquement la partie sur l’Écosse pour regarder les images représentant des falaises, des champs de bruyère et des châteaux.  Je n’étais même pas en âge de me figurer à quelle distance de chez-moi pouvait bien se trouver ce bel endroit, mais cette attraction n’a fait que s’accentuer au fil du temps. Les mythes et légendes se sont mis à me fasciner, la cornemuse à vibrer en moi, j’ai été happée par les héros écossais.  Je me suis plongée dans la lecture de romans celtiques, j’ai vu plein de films qui étaient tournés là-bas. J’en rêvais! C’est lors de mon premier voyage en Écosse, en 2012, que j’ai pleinement compris la signification de leur slogan touristique : This is Home.

Quels défis as-tu rencontrés lors de l’écriture de ton premier roman?

 Je m’attaquais à un bien gros morceau en choisissant d’aborder la bataille de Culloden Moor et ses conséquences sur le peuple écossais. Le passé de l’Écosse est particulièrement complexe et  je n’étais pas pleinement consciente de la galère dans laquelle je m’embarquais. Je possédais des connaissances historiques de base, certes, mais j’avais un bon bout de chemin à faire pour mettre ma culture à niveau. J’ai dû faire l’acquisition de plusieurs livres sur le sujet, j’ai passé de (trop) nombreuses heures sur Internet à valider et revalider mes nouvelles connaissances. Avec beaucoup de difficulté, j’ai même réussi à trouver aux États-Unis une dame de descendance écossaise qui est ma traductrice de gaélique depuis.

Écrire La dernière sorcière d’Écosse fut beaucoup plus facile, puisqu’après Culloden; la fin des clans, la bourse du CALQ m’a permis d’aller visiter l’Écosse deux fois. J’en suis revenue avec beaucoup de livres, de documents, j’y ai fait de la recherche sur le terrain, j’ai visité les lieux spécifiques à l’histoire. J’ai même fait arrêter un chauffeur d’autobus pour voir le château de Menzies, même s’il n’était pas sur notre itinéraire! Le récit de La Sorcière est beaucoup plus tangible pour les lecteurs, j’espère que j’ai réussi à insuffler à cette aventure l’atmosphère écossaise de l’époque.

 

Est-ce que tu fais des recherches avant de te lancer dans l’écriture d’un nouveau livre?

Pour mes romans historiques, oui. Il faut être dans le bon contexte, chronologiquement cohérent, il faut que les vêtements, les armes, les politiques concordent avec l’époque, bref, on est en recherche avant, pendant et après! C’est beaucoup plus de temps passé le nez dans les bouquins que sur le clavier, je dirais. Et souvent, je suis arrêtée en plein élan de création par un détail que je pourrais laisser de côté pour y revenir plus tard, malheureusement je suis mal faite et mon esprit reste figé sur ce détail que je dois absolument vérifier maintenant!

Quand est venu l’heure de débuter La dernière sorcière d’Écosse, j’ai commencé à classer les mythes et légendes, et je suis tombée sur l’histoire véridique de Janet Horne. À partir de là, mon imagination s’est emballée, tout concordait, à partir de sa fille qui aurait un bébé de l’âge de Brodick et de toutes les aventures qui suivraient. Elles ont toutes une partie véridique sur lesquelles j’ai pu me baser : la mine de sel sous l’Abbaye, les hommes de sel, Mary King’s Close, pour ne nommer que celles-là. Tous ces détails incluaient leur lot de vérifications.

Pour mes romans contemporains, j’opte plutôt pour faire mes recherches au fur et à mesure que le récit avance, quand le besoin se présente. Pour être honnête, je croyais naïvement qu’il serait plus simple d’écrire une histoire moderne qu’un roman historique. Pensez-y un instant, quoi de plus facile que de faire sortir un téléphone cellulaire de la poche d’un personnage plutôt que de lui faire faire mille et un détours pour faire parvenir un message à quelqu’un à dos de cheval? Finalement, il n’en est rien. L’aspect psychologique de mes personnages m’obsède tellement que je me retrouve à creuser très loin dans leur cheminement et leurs émotions. Je m’inspire de ma formation universitaire en psychoéducation et je visite plein de sites de psychologie pour comprendre leur façon d’interagir et de réagir. Quand est venue l’heure d’écrire les scènes entre Emma et son psychologue dans Là ou tombent les samares, j’ai fait beaucoup d’exploration sur le deuil post-natal et d’autres phénomènes s’y apparentant parce que je tenais à ce que ces chapitres soient crédibles et traduisent un véritable échange entre une cliente et un professionnel. Finalement, peu importe quel genre d’histoire j’écris, elles ont toutes leur défi, même les albums jeunesse.

Ton roman La Page manquante est inspiré de ton vécu, est-ce qu’il s’agit d’une autofiction?

En effet. En 2014, j’ai été victime d’une encéphalite auto-immune causée par un rare anticorps. J’ai passé 6 mois à l’hôpital, dont 6 semaines dans le coma, puis deux mois en centre de réadaptation. Le pronostic était très sombre, personne ne croyait que j’allais ressortir de cet hôpital sur mes deux jambes et avec toute ma tête.

Écrire, c’est une thérapie en soi. Coucher mon histoire sur papier a été une façon de l’arrêter de tourner en boucle dans ma tête, car j’y pensais constamment. Par peur d’oublier, peut-être, car j’ai perdu les mois précédent ma maladie. Je ne me souviens plus de ma première date avec mon mari, ni de notre premier baiser. Alors l’écrire, c’était une façon de tout figer sur papier pour ne plus rien manquer. C’était une manière d’expliquer aux gens ce qui m’est arrivé, de parler d’espoir et de résilience face aux maladies orphelines.

 J’ai écrit La page manquante de façon romancée avec un brin de fiction et d’humour pour rendre le tout moins dramatique et plus intéressant aux yeux du grand public. Après tout, je ne crois pas que la biographie de Valérie Langlois aurait fait fureur au palmarès! J’ai donc voulu parler de la réalité hospitalière du point de vue d’un patient en y mettant émotion et anecdotes savoureuses, et en y laissant parfois mon orgueil.

Quels conseils donnerais-tu à un nouvel auteur?

Trouver sa propre voix.

Chaque auteur doit trouver sur quel ton il va aborder son sujet pour éviter d’en faire une histoire monotone. Et dix auteurs différents abordant la même histoire y apporteront dix voix différentes. C’est la beauté de la chose.

Votre voix d’auteur, c’est votre signature, comme une empreinte digitale. C’est ce qui fera que vous vous démarquerez de tous vos collègues.

L’important, c’est d’éviter de se calquer sur quelqu’un qu’on admire, ou d’essayer un style qui ne vous va pas. Cela dit, rien ne vous empêche d’explorer.

Mais quand vous aurez trouvé votre voix, que vous serez sur votre X, l’énergie qui en émergera sera ressentie par vos lecteurs, et c’est là que la magie opérera!  

Quelles sont tes sources d’inspiration?

Je suis quelqu’un qui observe beaucoup et qui absorbe l’information. Par exemple, quelque chose que j’ai vu en Écosse, il y a 10 ans, disons un pub, pourrait me servir dans un récit demain matin. C’est rangé dans un tiroir de mon cerveau, prêt à être utilisé.

 J’aime également m’inspirer des histoires humaines qui m’ont émue.

Je citerais en exemple la vie et la mort d’Idgie, inspirées de ma grande amie Brigitte, malheureusement décédée avant la sortie de Là ou tombent les samares. Pendant la rédaction du roman, Brigitte et moi avons beaucoup échangé sur les émotions que sa maladie lui faisait vivre, ses peurs, comment elle voyait la mort. Elle y mettait aussi beaucoup d’humour. Cette expérience m’a personnellement changée pour toujours. Ça m’a apporté un nouveau point de vue sur l’après.

L’histoire de deuil post-natal de l’héroïne, elle, me vient des souvenirs d’une amie proche qui a vécu une expérience de ce genre, il y a 15 ans. Je me souviens de façon très claire des funérailles de ce petit bébé et cette fois, avec l’accord de la maman, ça a servi à enrichir l’histoire de mon Emma.

Parfois, même, je me réveille au milieu de la nuit avec une idée. Si je ne la note pas immédiatement, au matin je l’aurai oubliée, alors je garde un calepin sur ma table de chevet.

Quels sont tes prochains projets?

Actuellement, je suis en convalescence après une récidive d’encéphalite en 2021.

Pour mes prochains projets, je dois dire qu’entre deux, mon cœur balance. J’hésite vraiment entre retourner à mes premiers amours, l’historique écossais, ou continuer dans les romans plus contemporains. J’adore écrire dans les deux styles alors je voudrais avoir deux têtes et quatre bras pour faire les deux à la fois!

Tout ce que je peux dire, c’est que j’ai de bonnes idées, et que j’ai hâte de retourner à mon clavier!

Les héritiers de la Calder Wood – Le testament de Marylène Pion

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