samedi 15 janvier 2022

Entrevue avec Valérie Langlois


Biographie

Détentrice d'un baccalauréat en psychoéducation, Valérie Langlois a travaillé pendant près de vingt ans dans le milieu de la déficience intellectuelle avant de se consacrer à l'écriture. Elle est l'auteure de deux romans historiques publiés chez VLB : Culloden – La fin des clans (2011, sélection de Québec Loisirs et de France Loisirs) et La Dernière Sorcière d'Écosse (2014, sélection de Québec Loisirs). Boursière du CALQ en 2012, elle a obtenu le prix Philippe-Aubert-de-Gaspé (au Salon du livre de la Côte-du-Sud) en 2015. En 2019, elle fait paraître La Page manquante, inspiré de son vécu. Là où tombent les samares est son deuxième roman publié chez Libre Expression. Elle est également l’auteure de deux albums jeunesses parus en 2019, Beau dodo (Dominique et Compagnie) et Fripouille ! (éditions Le Point Bleu). En 2021, elle co-dirige et participe au recueil de nouvelles  Murmures paru aux éditons Les Heures Bleues.

Crédit : Valérie Langlois : écrivain, auteur | Libre Expression (editions-libreexpression.com)

Questions

D’où vient ton intérêt pour l’Écosse?

D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours eu une fascination pour ce pays. Entre autres, lorsque j’étais enfant, mon père possédait une collection d’ouvrages Larousse, et chaque volume représentait un pays particulier. Moi, je retournais toujours dans les pages du livre sur le Royaume-Uni, spécifiquement la partie sur l’Écosse pour regarder les images représentant des falaises, des champs de bruyère et des châteaux.  Je n’étais même pas en âge de me figurer à quelle distance de chez-moi pouvait bien se trouver ce bel endroit, mais cette attraction n’a fait que s’accentuer au fil du temps. Les mythes et légendes se sont mis à me fasciner, la cornemuse à vibrer en moi, j’ai été happée par les héros écossais.  Je me suis plongée dans la lecture de romans celtiques, j’ai vu plein de films qui étaient tournés là-bas. J’en rêvais! C’est lors de mon premier voyage en Écosse, en 2012, que j’ai pleinement compris la signification de leur slogan touristique : This is Home.

Quels défis as-tu rencontrés lors de l’écriture de ton premier roman?

 Je m’attaquais à un bien gros morceau en choisissant d’aborder la bataille de Culloden Moor et ses conséquences sur le peuple écossais. Le passé de l’Écosse est particulièrement complexe et  je n’étais pas pleinement consciente de la galère dans laquelle je m’embarquais. Je possédais des connaissances historiques de base, certes, mais j’avais un bon bout de chemin à faire pour mettre ma culture à niveau. J’ai dû faire l’acquisition de plusieurs livres sur le sujet, j’ai passé de (trop) nombreuses heures sur Internet à valider et revalider mes nouvelles connaissances. Avec beaucoup de difficulté, j’ai même réussi à trouver aux États-Unis une dame de descendance écossaise qui est ma traductrice de gaélique depuis.

Écrire La dernière sorcière d’Écosse fut beaucoup plus facile, puisqu’après Culloden; la fin des clans, la bourse du CALQ m’a permis d’aller visiter l’Écosse deux fois. J’en suis revenue avec beaucoup de livres, de documents, j’y ai fait de la recherche sur le terrain, j’ai visité les lieux spécifiques à l’histoire. J’ai même fait arrêter un chauffeur d’autobus pour voir le château de Menzies, même s’il n’était pas sur notre itinéraire! Le récit de La Sorcière est beaucoup plus tangible pour les lecteurs, j’espère que j’ai réussi à insuffler à cette aventure l’atmosphère écossaise de l’époque.

 

Est-ce que tu fais des recherches avant de te lancer dans l’écriture d’un nouveau livre?

Pour mes romans historiques, oui. Il faut être dans le bon contexte, chronologiquement cohérent, il faut que les vêtements, les armes, les politiques concordent avec l’époque, bref, on est en recherche avant, pendant et après! C’est beaucoup plus de temps passé le nez dans les bouquins que sur le clavier, je dirais. Et souvent, je suis arrêtée en plein élan de création par un détail que je pourrais laisser de côté pour y revenir plus tard, malheureusement je suis mal faite et mon esprit reste figé sur ce détail que je dois absolument vérifier maintenant!

Quand est venu l’heure de débuter La dernière sorcière d’Écosse, j’ai commencé à classer les mythes et légendes, et je suis tombée sur l’histoire véridique de Janet Horne. À partir de là, mon imagination s’est emballée, tout concordait, à partir de sa fille qui aurait un bébé de l’âge de Brodick et de toutes les aventures qui suivraient. Elles ont toutes une partie véridique sur lesquelles j’ai pu me baser : la mine de sel sous l’Abbaye, les hommes de sel, Mary King’s Close, pour ne nommer que celles-là. Tous ces détails incluaient leur lot de vérifications.

Pour mes romans contemporains, j’opte plutôt pour faire mes recherches au fur et à mesure que le récit avance, quand le besoin se présente. Pour être honnête, je croyais naïvement qu’il serait plus simple d’écrire une histoire moderne qu’un roman historique. Pensez-y un instant, quoi de plus facile que de faire sortir un téléphone cellulaire de la poche d’un personnage plutôt que de lui faire faire mille et un détours pour faire parvenir un message à quelqu’un à dos de cheval? Finalement, il n’en est rien. L’aspect psychologique de mes personnages m’obsède tellement que je me retrouve à creuser très loin dans leur cheminement et leurs émotions. Je m’inspire de ma formation universitaire en psychoéducation et je visite plein de sites de psychologie pour comprendre leur façon d’interagir et de réagir. Quand est venue l’heure d’écrire les scènes entre Emma et son psychologue dans Là ou tombent les samares, j’ai fait beaucoup d’exploration sur le deuil post-natal et d’autres phénomènes s’y apparentant parce que je tenais à ce que ces chapitres soient crédibles et traduisent un véritable échange entre une cliente et un professionnel. Finalement, peu importe quel genre d’histoire j’écris, elles ont toutes leur défi, même les albums jeunesse.

Ton roman La Page manquante est inspiré de ton vécu, est-ce qu’il s’agit d’une autofiction?

En effet. En 2014, j’ai été victime d’une encéphalite auto-immune causée par un rare anticorps. J’ai passé 6 mois à l’hôpital, dont 6 semaines dans le coma, puis deux mois en centre de réadaptation. Le pronostic était très sombre, personne ne croyait que j’allais ressortir de cet hôpital sur mes deux jambes et avec toute ma tête.

Écrire, c’est une thérapie en soi. Coucher mon histoire sur papier a été une façon de l’arrêter de tourner en boucle dans ma tête, car j’y pensais constamment. Par peur d’oublier, peut-être, car j’ai perdu les mois précédent ma maladie. Je ne me souviens plus de ma première date avec mon mari, ni de notre premier baiser. Alors l’écrire, c’était une façon de tout figer sur papier pour ne plus rien manquer. C’était une manière d’expliquer aux gens ce qui m’est arrivé, de parler d’espoir et de résilience face aux maladies orphelines.

 J’ai écrit La page manquante de façon romancée avec un brin de fiction et d’humour pour rendre le tout moins dramatique et plus intéressant aux yeux du grand public. Après tout, je ne crois pas que la biographie de Valérie Langlois aurait fait fureur au palmarès! J’ai donc voulu parler de la réalité hospitalière du point de vue d’un patient en y mettant émotion et anecdotes savoureuses, et en y laissant parfois mon orgueil.

Quels conseils donnerais-tu à un nouvel auteur?

Trouver sa propre voix.

Chaque auteur doit trouver sur quel ton il va aborder son sujet pour éviter d’en faire une histoire monotone. Et dix auteurs différents abordant la même histoire y apporteront dix voix différentes. C’est la beauté de la chose.

Votre voix d’auteur, c’est votre signature, comme une empreinte digitale. C’est ce qui fera que vous vous démarquerez de tous vos collègues.

L’important, c’est d’éviter de se calquer sur quelqu’un qu’on admire, ou d’essayer un style qui ne vous va pas. Cela dit, rien ne vous empêche d’explorer.

Mais quand vous aurez trouvé votre voix, que vous serez sur votre X, l’énergie qui en émergera sera ressentie par vos lecteurs, et c’est là que la magie opérera!  

Quelles sont tes sources d’inspiration?

Je suis quelqu’un qui observe beaucoup et qui absorbe l’information. Par exemple, quelque chose que j’ai vu en Écosse, il y a 10 ans, disons un pub, pourrait me servir dans un récit demain matin. C’est rangé dans un tiroir de mon cerveau, prêt à être utilisé.

 J’aime également m’inspirer des histoires humaines qui m’ont émue.

Je citerais en exemple la vie et la mort d’Idgie, inspirées de ma grande amie Brigitte, malheureusement décédée avant la sortie de Là ou tombent les samares. Pendant la rédaction du roman, Brigitte et moi avons beaucoup échangé sur les émotions que sa maladie lui faisait vivre, ses peurs, comment elle voyait la mort. Elle y mettait aussi beaucoup d’humour. Cette expérience m’a personnellement changée pour toujours. Ça m’a apporté un nouveau point de vue sur l’après.

L’histoire de deuil post-natal de l’héroïne, elle, me vient des souvenirs d’une amie proche qui a vécu une expérience de ce genre, il y a 15 ans. Je me souviens de façon très claire des funérailles de ce petit bébé et cette fois, avec l’accord de la maman, ça a servi à enrichir l’histoire de mon Emma.

Parfois, même, je me réveille au milieu de la nuit avec une idée. Si je ne la note pas immédiatement, au matin je l’aurai oubliée, alors je garde un calepin sur ma table de chevet.

Quels sont tes prochains projets?

Actuellement, je suis en convalescence après une récidive d’encéphalite en 2021.

Pour mes prochains projets, je dois dire qu’entre deux, mon cœur balance. J’hésite vraiment entre retourner à mes premiers amours, l’historique écossais, ou continuer dans les romans plus contemporains. J’adore écrire dans les deux styles alors je voudrais avoir deux têtes et quatre bras pour faire les deux à la fois!

Tout ce que je peux dire, c’est que j’ai de bonnes idées, et que j’ai hâte de retourner à mon clavier!

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