samedi 5 mars 2022

Entrevue avec Catherine Voyer-Léger

 


Biographie

Catherine Voyer-Léger a signé plusieurs ouvrages dont Métier critique, un essai sur l’état de la critique culturelle au Québec, et Prendre corps, un recueil de microrécits qui lui a valu en 2019 le Prix littéraire Jacques-Poirier–Outaouais.

Elle collabore à plusieurs projets collectifs et à certaines revues, et est très active sur les médias sociaux. Mère monoparentale, femme de cœur et femme de tête, elle est directrice générale du Conseil québécois du théâtre.

Crédit pour la photo et biographie : Catherine Voyer-Léger - Québec Amérique (quebec-amerique.com)

Questions

Quelles sont tes inspirations pour tes projets d’écriture?

Ça dépend vraiment des projets. Parfois c’est un sujet qui s’impose (je savais que je voulais parler de la critique, je savais que je voulais parler du corps). Je reçois des commandes aussi – c’est le cas de Nouées - que j’accepte uniquement si elles épousent d’assez près quelque chose qui m’habite. Les livres naissent un peu comme des rêves je dirais : je vois, un peu flou, le type de résultat auquel je voudrais arriver et le travail concret commence, quitte à ce que ça m’éloigne de la chimère initiale.

Quels défis as-tu rencontrés lors de la rédaction de ton premier essai Métier critique?

J’ai l’habitude d’écrire dans des formes brèves (chroniques, fragments, microrécits), c’était donc la première fois que j’avais le projet d’une forme plus continue, celle de l’essai plus traditionnel. C’est difficile pour moi de savoir comment rentrer dans un tel texte. J’ai un peu tourné en rond au départ avant de trouver la bonne organisation de la table des matières qui m’a alors permis de prendre ça un chapitre à la fois pour que ce soit plus digeste.

Est-ce que Nouées est inspirée d’une expérience personnelle?

La collection III, dirigée par Danielle Laurin, demande à l’autrice de baser son récit sur trois souvenirs et la part de fiction est laissée à la discrétion de chacun. Nouées est un texte autobiographique. On parle parfois d’autofiction et je ne serai pas rigide au point de refuser ce terme, mais on est quand même beaucoup plus proche de l’autobiographie dans le sens qu’outre quelques petits détails, tel un prénom qui a été changé, tout est lié à mon expérience.

Mes trois souvenirs sont les suivants : le jour où j’ai vu pour la première fois ma fille adoptive, le jour où j’ai visité ma mère qui était en cure de désintoxication quand j’avais quatre ans et demi et un épisode dépressif que j’ai vécu au début de la vingtaine. Ces souvenirs sont tissés autour des thèmes de la maternité et de la culpabilité et me permettent aussi de revisiter mon parcours : là d’où je viens. Par je veux dire le milieu, mais aussi l’époque. À certains égards, la société a beaucoup changé en 40 ans.

Combien de temps consacres-tu à un projet du moment où tu as l’idée jusqu’à la version finale? Est-ce que tu dois faire de la recherche?

Ça dépend vraiment des projets. Nouées a été écrit en environ huit mois. Mais c’est un court récit autobiographique qui justement ne demande pas de recherche (si ce n’est fouiller dans de vieilles photos) et que j’ai pu écrire en fragments sans avoir constamment le besoin de me relire.

Mouvements, qui paraît aussi ces jours-ci, a été écrit sur trois périodes différentes en presque dix ans.

Prendre corps était d’abord un projet Web qui a duré environ 16 mois. 365 fragments ont été écrits sur cette période et ensuite nous avons passé environ 4 ou 5 mois à travailler sur une version pour le livre.

Les essais sont souvent un peu plus exigeants sur la durée parce qu’ils demandent de la recherche et dans mon cas, beaucoup de lectures, et lire, on le sait, est une activité passionnante, mais lente.

Il faut comprendre aussi qu’une fois que nous avons une première version du manuscrit, c’est le travail éditorial qui commence et pour avoir travaillé avec plusieurs maisons d’édition, je peux vous assurer qu’aucune ne travaille de la même façon et sur le même rythme. Il faut aussi s’y adapter.

Quel essai suggérais-tu à un lecteur qui souhaite découvrir ce genre littéraire?

Il y en a tant…

Je suggère souvent Les filles en série de Martine Delvaux qui pour moi a été une grande découverte à plusieurs égards : les thèmes, mais aussi la forme m’ont profondément marquée.

Sur la maternité, je suggérerais Cicatrices : Carnets de conversion de Sara Danièle Michaud qui vient de paraître et qui recoupe plusieurs thèmes de Nouées. (J’espère tellement qu’on nous invitera à en jaser ensemble dans un événement littéraire!).

Je suggère aussi souvent Raconter et mourir de Thierry Hentsch, grand intellectuel maintenant décédé. C’est un livre plus épais, qui peut faire peur un peu, mais faut lui aussi le prendre un chapitre à la fois. Il interroge les grands récits fondateurs de l’Occident et on a vraiment le sentiment de devenir plus intelligent en le lisant.

Quels sont tes prochains projets?

Je mets la touche finale ces jours-ci à mon deuxième album jeunesse, celui-ci portant sur la question de l’adoption. J’ai surtout des projets d’essais dans les prochaines années. Je n’ose pas trop en dire sur les thèmes que j’aborderai, mais j’ai trois projets d’essai sur le feu, plus ou moins avancés. Reste à trouver le temps d’écrire !

Lien de ma chronique de Nouées

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