mercredi 12 juillet 2023

Entrevue avec Camilla Sironi


Je remercie Nathalie Dion pour la photo de l'auteure 

Biographie

Italienne et française d’origine, Camilla Sironi vit au Québec depuis plus d’une quinzaine d’années. Mère de deux jeunes enfants et entrepreneuse sociale, elle se passionne pour la littérature. Les femmes de bois est son deuxième roman.

Crédit : Communiqué de presse des éditions Au carré

Questions

Note de l’auteure : Pour ne pas alourdir le texte, nous nous conformons à la règle qui permet d’utiliser le féminin avec la valeur de neutre.

Ce n’est surement pas une règle officielle, par ailleurs. Pas encore, du moins. Mais qui sait, peut-être un jour on pourra choisir de s’adresser au grand nombre dans le genre de notre choix.

On serait tout à fait rendues là, comme société.

Quelles sont vos sources d’inspiration ?

Mes sources d’inspiration se trouvent souvent dans la vie. J’aime écrire sur ce que je ne comprends pas et que je trouve riche de sens — des situations, relations, façons d’évoluer dans la trame des années. La matière de l’écriture est sous mes mains, constamment, et en l’écrivant je l’explore; et en l’explorant, je me laisse surprendre, et apprendre. J’agis comme une sorte d’observatrice active, impliquée dans son enquête. Les femmes de bois, par exemple, est né du désir de raconter la genèse d’une amitié profonde, libératrice ; puis d’autres thèmes se sont rattachés, tout naturellement, par eux-mêmes : la reconquête personnelle de deux femmes à la croisée des chemins dans leur existence, l’effritement d’un couple qui ne fonctionne plus, et d’autres encore.

Je me rends compte que je m’intéresse de plus en plus à ces textes qui embrassent une vocation plus ample, qui fait appel à notre humanité, que le plaisir pour la seule narration. J’aime ces lectures qui me laissent avec un esprit élargi, qui peut accueillir plus grand. Je pense à des romans de Félix Leclerc, Éric-Emmanuel Schmitt, Dominique Fortier, entre autres, qui m’inspirent aussi par la finesse de leur trait, leur ligne poétique, leur intention profonde.

Quels conseils donneriez-vous à un nouvel auteur ?

Le premier, que je me répète aussi souvent, est de suspendre la voix critique intérieure. Car la plupart des textes pondus ne sont pas destinés à être publiés. Autant que possible, il ne faut pas dénigrer ce qu’on écrit, et traiter chaque moment d’écriture, aussi rapide ou distrait soit-il, comme une pierre sur notre chemin. Il m’est arrivé de retomber sur des textes que j’avais rédigés il y a longtemps, et que j’avais écartés comme étant mauvais. En les relisant, j’y ai trouvé une vérité, une graine d’authenticité, une beauté qui, jadis, étaient ensevelies sous mon jugement trop dur.

Le deuxième, c’est de nourrir la vision, croire que c’est possible. Car ça l’est. C’est la fin du marathon qui nous fait entraîner pendant des mois, dans les bonnes et moins bonnes journées, qui font toutes partie du parcours. C’est la vision qui nous garde attachées au projet d’écriture, qui nous permet de ne pas perdre espoir. On peut prendre des pauses, mais si la vision est forte, si l’amour pour ce qu’on veut raconter est sincère, le projet reste là, en deuxième plan, prêt pour qu’on reprenne le travail, dans la salle d’attente de notre vie. C’est une forme de conscience, en fait. On habite avec et dans l’histoire pendant longtemps, qu’on soit en train de l’écrire ou pas.

Le troisième, c’est de rester soi-même. Lorsqu’on écrit avec une trop forte conscience des lectrices, ça peut avoir un effet castrateur, on peut finir par s’autocensurer. Le regard des autres peut devenir pesant face au geste d’écrire qui, lui, se veut tout léger et doit se sentir libre pour se déployer pleinement. Ce que j’essaye de faire maintenant, et que j’ai appris avec le temps, c’est de plonger dans cet espace intérieur qui est juste le mien, dans le cœur, et de me mettre dans une posture de découverte, d’accueil et de pur plaisir; et de là, faire de la place aux lectrices. Je les invite à s’assoir à côté de moi, au lieu que de l’autre bord de la clôture : pour observer, vivre le texte et voyager dans l’histoire ensemble.

Quels défis avez-vous rencontrés pendant l’écriture de votre roman Les femmes de bois?

J’avais commencé à rédiger cette histoire dans le décor d’un village côtier du Maine, aux États-Unis. Les personnages étaient similaires, mais pas tout à fait pareils. Après avoir écrit plus de 100 pages, j’ai décidé d’arrêter. La météo me chicotait, il fallait que je change d’emplacement, pour un endroit où la nature était tout aussi forte, mais où il faisait beau et chaud à longueur d’année. J’aime écrire au soleil! Bien que j’aie hésité longtemps, j’ai tout repris du début. En fin de compte, ça m’a permis de m’approprier encore plus mes personnages, de serrer la visse sur la narration et de laisser aller certains aspects qui servaient moins bien l’histoire.

Puis, les protagonistes ont évolué au fil de l’écriture et de la révision. Guidée par mon éditrice, j’ai notamment enlevé beaucoup de couches au personnage de Dominique, qui est devenue plus franche dans son élan de reprise de pouvoir de soi, plus forte, moins maladroite. Ce travail de fond, qui se répercutait dans la virgule près, a eu un effet sur moi aussi, il m’a accompagnée pendant certaines épreuves que je traversais dans ma vie personnelle, m’a aidée à gagner une posture plus assumée.

Ça a été un travail de polissage et finition, jusqu’à la publication. Et même après!

Est-ce que vous écrivez avec de la musique, si oui, quelle est votre chanson fétiche?

Oui, j’écris souvent avec un fond sonore. Parfois uniquement des fréquences, ou sinon des listes de lecture de piano ou de musique zen. Quand je suis à la recherche d’une connexion rapide au texte, j’écoute une pièce de Ludovico Einaudi qui s’appelle « Oltremare », ça me plonge dans un flot de mots, c’est assez immédiat. Sam Garrett, Norah Jones, Xavier Rudd, Olafur Arnalds, font aussi partie de mes préférés.

Est-ce que vous écrivez avec de la musique, si oui, quelle est votre chanson fétiche?

Oui, j’écris souvent avec un fond sonore. Parfois uniquement des fréquences, ou sinon des listes de lecture de piano ou de musique zen. Quand je suis à la recherche d’une connexion rapide au texte, j’écoute une pièce de Ludovico Einaudi qui s’appelle « Oltremare », ça me plonge dans un flot de mots, c’est assez immédiat. Sam Garrett, Norah Jones, Xavier Rudd, Olafur Arnalds, font aussi partie de mes préférés.

Quels sont vos prochains projets?

C’est un peu tôt pour en parler, je ne veux pas faire peur à cette nouvelle intention qui pointe à peine son nez! Mais je sens que c’est un texte entre le roman initiatique et le récit de mon parcours personnel. Le prochain projet va arriver au bon moment, c’est ma seule certitude.


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